Hani Khalil, L’INCONSCIENT

“Une discussion en images portant sur la complexité de nos esprits” 

par Rahiem Shadad

 

 

         

Deux des oeuvres exposées à la Galerie de l’IFRS (crédit photographique : Raheem SHADAD)


L'inconscient renvoie à une part de notre intellect qui fonctionne comme une éponge absorbant notre environnement. Notre appréhension de la vie quotidienne, nos choix, nos efforts : l’inconscient agit comme un miroir de notre vie dont le reflet se redessine continuellement. En y regardant de plus près, la vision n’est jamais la même.

Hani, artiste impliqué dans la société civile soudanaise, s’est de plus en plus intéressé à cette dualité entre la conscience et l’inconscient et à la manière de traduire ce sentiment visuellement.

En d’autres termes, Hani essaye de retranscrire la profondeur de son esprit et les différentes strates qui le constituent. Depuis, son style a toujours été une tentative d’approche, de traduction de cette appréhension de l’inconscient, mais toujours régi par le style et la formation académique qu’il a pu recevoir.

Mais que se passerait-il si Hani fait s’effondrer ces carcans durant l’exécution de ses œuvres ?

Que se passerait-il s’il s’autorisait à traduire librement et visuellement ce qu’il se passe en lui, sans filtre ?

Les oeuvres ici exposées sont l’expression la plus pure et la plus directe possible des idées qui le traversent, perceptibles ou non par sa conscience propre, et qu’il cherche à retranscrire.

A travers les formes qui affleurent, il cherche à attirer notre regard sur notre propre inconscient. Il provoque nos sens avec son usage si caractéristique des nuances, sur divers types de surface : le zinc, le tissu, le fer, les murs, les toiles.

 Dans cette exposition, Hani s’intéresse également aux diverses sources d’enrichissement de son inconscient.

 Le concept de mémoire étant directement lié au processus de structuration des émotions dans l’inconscient, Hani cherche à retranscrire ceci au plus près chez les visiteurs à travers une expérience artistique conceptuelle : pendant une semaine, il a repeint une partie de la Galerie de l’IFRS et y a installé un système sonore reproduisant des enregistrements des sit-il publics en 2019. Ici, Hani réactive la mémoire à travers le son et le stimule chez le visiteur à travers les couleurs, leur usage abstrait mais aussi les coups de pinceaux acérés sur le mur, embarquant ainsi le visiteur avec lui pour un voyage profond vers la mémoire.

Une des thématiques importantes abordées par Hani est également bien celle de l’inconscient collectif, et de l’influence clé qu’il exerce sur les sociétés à une échelle plus large. Les sociétés dans leurs diverses formes sont exposées en tant qu’ensemble à diverses influences internes ou externes qui affectent leurs perceptions ou leurs orientations collectives sur diverses causes. 

 Hani a fait le choix d’apporter sa propre moto dans la salle d’exposition, de la repeindre entièrement et de la lier à un ensemble de cordes suspendues à une parabole. Cette œuvre intrigante et subversive représente le point de vue de l’artiste sur la capacité du digital à implémenter des idées aux sociétés à une large échelle et comme cela peut aboutir à une société aveugle, que l’artiste représente finalement par une moto sans chauffeur.

 

Une des œuvres de la collection de l’exposition, peinte sur une surface métallique. (crédit  Raheem SHADAD)

Hani accompagné des deux artistes Abu Bakr Muaz (droite) et Yassir El Guarai (gauche) en train de réaliser les dernières touches sur l’œuvre conceptuelle intitulée L’inconscient collectif
(crédit Raheem SHADAD)

Hani Khalil Jawdat est né en Libye en 1993. Il y a vécu pendant 10 ans avant de revenir au Soudan. Jawdat est diplômé du département de design graphique de la faculté des Beaux-arts et des Arts appliqués de l'Université du Soudan en 2017. Au début de sa carrière, Hani a traité de la question de la révolution mahdiste au Soudan contre la domination égyptienne sous tutelle anglaise. Au début de son parcours artistique, ses œuvres traitent en grande partie de la figure du derviche. Il a également traité le sujet du soufisme au Soudan et du mode de vie des soufis. Ces figures sont ainsi très perceptibles dans ses oeuvres, de par leurs formes, les anneaux du souvenir qui sont représentés mais aussi leurs vêtements caractéristiques et très colorés.

La représentation des derviches par Hani se fait particulièrement lors du Dikhr, moment solennel où le son des tambours résonne dans le cercle de danse, de manière répétitive, dans le but d'atteindre un stade inconscient. Pour Hani, ils ressemblent alors à un individu qui se noierait ou - plus poétiquement - ils se transmuent en un autre être, tels des figures marines, tournant et virevoltant dans des cercles concentriques. Le son fort des tambours devient une vibration sourde qui frappe le groupe tout entier.

Ses dernières participations les plus distinguées sont l'exposition "Password" en 2020 à Cologne, en Allemagne, et "Group Exhibition" en 2017 au Rashid Diab Center, à Khartoum.

Hani et les artistes Abu Bakr Muaz et Yassir El Guarai partagent un atelier, Zan Studio, où leurs œuvres sont exposées de manière permanente et où ils reçoivent des visiteurs.